Villette de Charlotte Brontë paru en 1853
La traduction est de Gaston Baccara.
Il s’agit de l’histoire de Lucy Snowe ( qui est aussi la narratrice). C’est une jeune anglaise au passé mystérieux qui se trouve rapidement dans l’obligation de gagner sa vie. Après un séjour chez sa marraine puis une expérience auprès d’une vieille dame malade elle devient professeur à Villette dans un royaume imaginaire de Labassecour qui représente Bruxelles et la Belgique où Charlotte Brontë a été élève puis professeur.
J’ai globalement apprécié la lecture de ce roman même elle requière une certaine détermination. En effet, ce long roman démarre très doucement, les 150 premières pages sont assez peu intéressantes et comportent de nombreux détails triviaux, certains titres de chapitres peuvent même faire sourire par exemple le chapitre XIII « Un éternuement inopportun ». Cependant, l’intrigue devient progressivement plus intéressante avec deux personnages masculins très différents le Dr. John et le professeur M. Paul Emmanuel. Certains éléments de l’intrigue m’ont cependant parus trop artificiels Attention spoilers (le fait que Graham Bretton soit le Dr. John, les retrouvailles avec Paulina ou encore l’explication des apparitions de la nonne font trop Deus ex machina).
L’intérêt du roman réside surtout dans certains thèmes abordés que je vais évoquer en utilisant celui de la solitude comme fil rouge.
Un regard critique sur la société « continentale »
La solitude qui permet à l’héroïne d’avoir un regard étranger et intéressant sur la société décrite dans le roman, elle rappelle dans une certaine mesure Fanny Price dans Mansfield Park. La vie bourgeoise assez économe de ces « continentaux » est décrite à travers leurs loisirs ou encore l’éducation dispensée à leurs enfants. L’éducation des jeunes filles est très superficielle, les élèves sont très peu intéressées et ont un comportement qui représente bien l’adolescence fait de réactions assez imprévisibles, de nombreuses crises de larmes…etc. L’exemple le plus frappant et comique est celui du personnage de Ginevra digne d’une Lydia Bennett dans Orgueil et Préjugés de Jane Austen.
En outre, l’opposition de la religion catholique et la religion protestante est un thème important du roman. Avec recul et ironie Charlotte Brontë montrent les préjugés des uns et des autres surtout à travers Lucy et le professeur Paul Emmanuel! J’ai beaucoup lu que l’on attribuait à Charlotte Brontë la même opinion que la narratrice sur le catholicisme, pour ma part je pense qu’il est important de ne pas confondre entièrement l’auteur et la narratrice.
Un portrait psychologique très riche
La solitude est également présentée comme une souffrante psychologique parfois comparée à la mort! Lucy Snowe semble déjà souffrir d’un comportement dépressif aggravée par la solitude lorsqu’en en septembre tous les membres de l’école sont partent en vacances.
« Combien longues étaient ces journées de septembre! Que cet énorme bâtiment sans vie était donc vaste et désert! Tout paraissait sinistre au milieu du profond silence, même le beau jardin abandonné et que couvrait à présent la poussière grise d’une ville dont l’été avait chassé les habitants. Au début de ces huit semaines qui allaient me paraître interminables, je me demandais comment je ferais pour en voir la fin. Mon moral était de plus en plus mauvais ces derniers temps, et maintenant que je n’avais plus mon travail pour me distraire, il ne me restait rien pour m’obliger, il ne me restait rien qui m’obligeait à réagir. »
Cependant, malgré cette dépression, la maîtrise d’elle-même et de ses sentiments est très forte chez la narratrice.
C’est donc une belle lecture riche en description des sentiments de Lucy Snowe qui évoluent de façon très intéressante! Il manque tout de même une certaine unité à l’intrigue pour en faire un vrai coup de coeur. J’espère lire bientôt Le professeur et vous en faire la critique.
Kheira